Addiction aux graisses : les aliments gras rendraient accros

Auteur Sandra Maribaux
Auteur : Sandra Maribaux, publié le 14/05/2010
Relu par le comité de rédaction

La dépendance aux graisses peut s'installer parce que consommer trop d'aliments riches en lipides rendrait accro selon une étude.

L'addiction aux graisses existe réellement selon une nouvelle étude. Des chercheurs ont finalement confirmé ce que beaucoup d'entre nous suspectent depuis longtemps : le bacon, le gâteau au fromage, et d'autres aliments gras délicieux peuvent rendre accros.

Une nouvelle étude américaine menée sur des rats suggère que les nourritures riches en graisse et en calories affectent le cerveau de la même manière que des drogues dures (qui provoquent une dépendance psychique et physique forte). Quand les rats consomment ces aliments à haute teneur en graisse en quantités suffisamment élevées, ils adoptent des comportements alimentaires compulsifs qui ressemblent à une dépendance aux drogues selon l'étude, qui parle alors d'addiction aux graisses.

Se droguer ou manger trop de la malbouffe surchargent progressivement les centres du plaisir dans le cerveau selon les chercheurs. A un moment, les centres du plaisir s'effondrent (dans les 2 cas), et pour obtenir le même "plaisir" (ou simplement pour obtenir un état normal), il faut augmenter la quantité de drogues ou d'aliments gras.

Le responsable de l'étude Paul Kenny, doctorant et professeur de thérapie moléculaire en Floride (Etats-Unis), dit que "les gens savent de manière intuitive que derrière la surconsommation, il y a des choses bien plus compliquées que la simple volonté de ne pas trop manger. Il y a un système dans le cerveau qui a été activé ou suractivé, et cela mène la surconsommation à un niveau subconscient".

Dans l'étude, publiée dans la revue "Nature Neuroscience", l'équipe de chercheurs de Paul Kenny a étudié 3 groupes de rats de laboratoire pendant 40 jours. Le premier groupe était nourri aux nourritures normales pour rats. Le deuxième groupe était nourri aux bacons, saucisses, gâteaux au fromage, et d'autres aliments riches en graisse et caloriques, mais seulement pendant 1 heure par jour. Le troisième groupe était alimenté par des nourritures grasses à volonté pendant 23 heures par jour.

Sans aucune surprise, les rats qui se sont faits plaisir pendant à volonté en mangeant tous les aliments à haute teneur lipidique qu'ils voulaient pendant quasiment toute la journée sont devenus obèses. Mais leur cerveau a également changé. En surveillant les électrodes implantées dans le cerveau de ces rats, les chercheurs ont trouvé que les rats du troisième groupe ont développé progressivement une tolérance au plaisir que les aliments gras leur procurent, et ont dû en manger davantage pour obtenir le même plaisir avec fil du temps.

Ces rats ont commencé à manger de manière compulsive, jusqu'au point où ils ont continué à manger même lorsqu'ils ont mal. En effet, quand les chercheurs ont appliqué un choc électrique aux pieds des rats en présence des nourritures grasses, les rats des deux premiers groupes étaient effrayés et quittaient les nourritures grasses. Mais le troisième groupe, composé de rats devenus obèses, n'était pas effrayé par les chocs électriques. Ces rats obèses ne pensaient plus qu'à une seule chose : manger les aliments gras. Ils subissaient une réelle addiction aux graisses.

Dans des études précédentes, les rats avaient montré des changements similaires dans leur cerveau quand d'autres chercheurs leur avaient donné un accès illimité aux drogues dures. Et les rats avaient également ignoré les punitions (chocs électriques) pour continuer à consommer les drogues malgré la douleur.

Le fait que la malbouffe puisse provoquer cette réponse de l'organisme n'est pas totalement surprenant. De nos jours, "les nourritures sont fabriquées de manière similaire à la cocaine" selon les chercheurs. Découvrez également s'il existe une dépendance aux nourritures sucrées.

Les feuilles de coca étaient utilisées depuis l'Antiquité, mais les gens ont appris à purifier ou altérer la cocaine pour la délivrer de manière plus efficace au cerveau (en injectant ou en fumant par exemple). Cela a rendu la drogue davantage capable de créer une dépendance.

Selon les chercheurs, la nourriture moderne a évolué d'une façon similaire. "Nous purifions notre nourriture. Nos ancêtres mangeaient des grains entiers, mais nous mangeons aujourd'hui du pain blanc. Les Indiens d'Amérique mangeaient du maïs, mais nous mangeons aujourd'hui du sirop de maïs".

Les ingrédients des nourritures modernes purifiées peuvent amener les gens à "manger inconsciemment et de manière non nécessaire, et inciter les animaux à manger comme s'ils étaient drogués", selon les chercheurs.

Le neurotransmetteur dopamine semble être responsable du comportement des rats qui ont surconsommé pendant l'étude. La dopamine est impliquée dans les centres du plaisir ou de la récompense du cerveau, et joue aussi un rôle dans le renforcement de ce comportement. Elle dit au cerveau que quelque chose s'est passée et vous devriez apprendre de ce qu'il vient de se produire.

L'étude a trouvé que surconsommer a provoqué la chute du taux d'un certain récepteur de dopamine dans le cerveau des rats obèses. Chez les humains, de faibles taux des mêmes récepteurs ont été associés à une addiction aux drogues et à l'obésité. Cette faiblesse peut être génétique chez les humains selon les chercheurs.

Toutefois, cela ne veut pas dire que toutes les personnes qui naissent avec moins de taux de récepteurs à la dopamine sont vouées à devenir accro ou à surconsommer. Comme les chercheurs l'ont souligné, les facteurs environnementaux et non pas uniquement génétiques sont impliqués dans les deux comportements.

Les chercheurs précisent aussi que appliquer les conclusions de leur étude sur les humains peut être compliqué. Par exemple, dans certaines études menées sur les médicaments amaigrissants, les rats ont perdu presque 30% de leur poids corporel avec certains médicaments, là où les humains qui prenaient les mêmes médicaments minceur n'ont perdu que 5% de leur poids.

Les chercheurs disent que "nous ne pouvons pas imiter complètement le comportement humain, mais les études réalisées sur des animaux peuvent nous donner un indice sur ce qui peut se produire chez les humains".

Bien que les chercheurs soient conscients que les conclusions de leur étude puissent ne pas s'appliquer directement sur les humains, ils pensent que ces conclusions ont permis d'en savoir plus sur les mécanismes du cerveau qui conduisent la surconsommation, et peuvent même mener à de nouveaux traitements contre l'obésité.

"Si nous pouvions développer des thérapies pour la dépendance aux drogues, ces mêmes médicaments pourraient fonctionner contre l'obésité également en luttant contre l'addiction aux graisses", dit Paul Kenny.


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Photo portrait de l'auteur Sandra Maribaux
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